Juin 2015
Carte blanche (diffusée sur le site du Conseil Bruxellois de coordination sociopolitique)
Ex Aequo - Médecins du Monde / Dokters van de Wereld - Sidaids Migrants/Siréas - Maureen Louhenapessy - Plateforme Prévention Sida - Observatoire du Sida - Sida Sol’ – Sida IST Mons/Charleroi
Le
constat est alarmant: les migrants séropositifs demandeurs de séjour pour
raison médicale ne sont plus les bienvenus en Belgique.
Sous la
précédente législature déjà, lorsque Maggie de Block (Open VLD) était en charge
de l’Asile et de la Migration, le gouvernement fédéral avait instauré en 2012
une procédure de « filtre médical » relatif aux demandes de régularisation pour
raisons médicales (art. 9 ter) qui ne sont plus accordées qu'aux demandeurs
gravement malades et dont la vie est menacée à court terme. Cela avait déjà
donné lieu à une explosion du nombre de refus (Pour 2014, 496 personnes ont été
autorisées de séjour sur base du 9ter et 9242 se sont vu signifier un refus).
Avec
l’arrivée du nouveau secrétaire d’Etat, Théo Francken (N-VA), la situation
semble même se durcir puisque plusieurs médecins belges spécialisés dans la
prise en charge du VIH/SIDA constatent les dégâts sur leurs patients et
dénoncent la politique d’expulsion menée actuellement qui conduit à la perte de
tous les droits sociaux (arrêt brutal de l'aide sociale, logement...) et à
l’arrêt des soins et des traitements pour une grande part des demandeurs de
séjour séropositifs dont le dossier a été débouté.
Ex Aequo
et plusieurs autres acteurs de terrain et/ou de prévention et de lutte contre
le VIH (Médecins du Monde, Observatoire du Sida, Plateforme Prévention Sida,
SidAids Migrants, Sida-IST Mons/Charleroi et Sida Sol’) estiment qu'un retour
dans leur pays d'origine signifie pour beaucoup un aller-simple vers la mort.
Rien ne garantit en effet qu'une personne séropositive expulsée soit
effectivement et correctement prise en charge. Les autorités savent très bien
que l'accès aux soins – tant aux niveaux géographique et financier qu’en termes
de qualité et de disponibilité des traitements – est très difficile dans
plusieurs pays d'origine. Sans parler des discriminations liées à leur statut
de personnes séropositives et/ou de leur orientation sexuelle.
Nous
sommes également tous choqués par les déclarations de Théo Francken qui
soulignait récemment, dans les médias flamands, que les règles devaient être
resserrées pour éviter un « appel d’air ». Contrairement aux idées reçues et
aux propos populistes ambiants, l’immigration médicale n’existe pas ! A peine
3% des personnes ayant émigré en Europe l’ont fait pour des raisons de santé
(rapport annuel 2014 de l’Observatoire européen de l’accès aux soins).
Nous
dénonçons enfin, à travers ce dossier, une certaine banalisation du sida.
Admettre que les demandeurs d'asile porteurs du VIH ne sont plus considérés
comme admissibles à l'autorisation de séjour en Belgique pour raisons médicales
alors que les traitements et les soins ne seront pas assurés dans leur pays
d’origine, cela revient à dire que le sida n'est plus considéré comme une
maladie mortelle. Devons-nous rappeler que plus de 40 millions de personnes
dans le monde vivent avec le VIH et que le sida, malgré des avancées
thérapeutiques, est toujours considéré comme un problème majeur de santé publique?
Cette
politique est d’autant plus scandaleuse que l’on sait aujourd’hui que la mise
sous traitement antirétroviral est l’une des clés de la maîtrise de l’épidémie
parce qu’elle permet la non-transmission du virus lorsque ce traitement est
efficace. La combinaison de la prévention, du dépistage et de la mise sous
traitement laisse même entrevoir une fin du sida selon l’ONUSIDA dans quelques
décennies.
L’enjeu
est donc autant d’assurer une politique humaine d’accueil des étrangers y
compris les demandeurs de séjour pour raison médicale que de construire une
politique de santé publique cohérente et efficace.
Nous
rejoignons la position de plusieurs médecins qui demandent formellement que
tout migrant séropositif demandeur de séjour bénéficie d’une régularisation et
d’une mise sous traitement. La situation actuelle est indigne d'un Etat comme
le nôtre. Sous prétexte de mettre un terme à certains abus, le gouvernement
brise des vies, se rend complice du décès de personnes séropositives et nuit
durablement aux efforts en matière de lutte contre le sida.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire